DECKO
Echo des origines
Si Decko bénéficie d’une reconnaissance méritée sur les scènes artistiques
étrangères, il reste rare à Mulhouse où sa dernière exposition personnelle
date de 1994. Echo des origines renoue le fil de cette histoire en présentant
une cinquantaine d’oeuvres créées depuis 3 décennies. Il ne s’agit pas
d’une rétrospective qui périodiserait le travail de l’artiste et décrirait ses
évolutions. L’idée est plutôt inverse : montrer l’unité de son oeuvre dans la
durée et souligner l’importance de celle-ci dans le processus de création.
Les Structures cosmiques reposent ainsi sur un dessin originel de 1978,
réitéré en couleurs, retravaillé par fragments, réinventé, jusqu’à donner lieu
à une sculpture réalisée pour cette exposition. Les Mélodies cosmiques
se déclinent aussi au fil des années, comme les Ondulations fluidiques
et les Traces. Quant au polyptyque A la foi(s) précédente, réalisé lui-aussi
pour cette exposition, il dialogue par son rythme avec Résonnances en
7 points (1997) comme avec les Ondulations dont les lignes sinusoïdales
font écho aux drapés du Saint.
Chaleureux, Decko parle volontiers de son travail. Des noms et des idées
surgissent alors, éclairant sa démarche. Quelques exemples au hasard :
De Jacky Chevaux (1943-1995), artiste charismatique trop tôt disparu,
il retient la technique parfaite au service d’un questionnement du monde
et de soi. A Mircea Eliade (1907-1986), le plus grand des historiens
des religions, il emprunte son intérêt pour les formes de la religiosité
(mythes, sacré, transcendance…). Avec Etienne Klein (1958- ), éminent
spécialiste de la physique quantique, il s’interroge sur le temps et l’origine
de l’univers… D’autres références évoquent l’ésotérisme, les symboles, la
paix, les voyages etc.
Ce syncrétisme situe la pensée de Decko aux confins de l’art et de la
philosophie, de la science et de la religion. Il veut embrasser le monde, en
saisir l’unité profonde – de l’infiniment grand à l’infiniment petit – dans ses
rythmes sériels et ses variations fractales ; mais aussi en appréhender les
fréquences et les vibrations, les forces et les énergies, pour en traduire à la
fois l’ordre et le désordre, la genèse et le chaos… Tout cela par des lignes
et des couleurs où la symétrie joue un rôle majeur autour d’un axe dont les
irrégularités demeurent aléatoires : les lois de la physique se confrontent
aux théories de l’incertitude !
Dans l’univers de Decko, la place de l’homme n’est pas oubliée, la sienne
en particulier avec l’inclusion dans ses toiles de souvenirs personnels
(Carnet de route) et familiaux (Ouranopolis). Quant aux symboles et aux
signes, empruntés à diverses civilisations ou inventés, ils traduisent
l’héritage commun de l’humanité (Traces). Mais l’artiste sonde avant tout
la matière et trace son chemin dans des espaces indifféremment réels
ou imaginaires qui mêlent géographie personnelle, rêverie scientifique
et interrogation transcendantale. La peinture de Decko, méticuleuse
et précise jusqu’à l’ascèse voire l’obsession, se donne ainsi comme une
invitation à la méditation.
Joël Delaine
Conservateur en chef des Musées municipaux de Mulhouse